« La gouvernance dans le secteur de l’eau, c’est savoir aussi gérer les ressources humaines »
L'exemple du Bénin a été cité, à plusieurs reprises, lors des travaux du 17ème congrès de l'AAE. La contribution de la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb), membre fondateur de l'AAE, qui permet au Bénin de faire partie du club des rares pays à avoir atteint les objectifs du millénaire pour le développement, a intéressé les participants. A cette occasion, le Directeur général de cette société, très actif à ce congrès, a été invité à faire un témoignage sur la gestion du service public de l'eau à travers le cas de la Soneb en tant qu'opérateur crédible. Il s'agit, à travers cette thématique, de montrer les défis de l'accès et de la gestion du financement des programmes de développement des infrastructures d'assainissement. Lire l'interview accordée à ''L'Evénement précis'' à ce sujet.
L'Evénement Précis: Le Bénin fait partie des rares pays africains à atteindre en 2015 les OMD pour l'accès à l'eau potable. Quelle est la contribution de la SONEB dans ce succès ?
David Babalola: Il faut commencer par dire qu'une société ne peut atteindre les objectifs du millénaire sans l'accompagnement de son gouvernement et des partenaires techniques et financiers. Pour ce qui concerne la Société nationale des eaux du Bénin, toutes ces conditions réunies. Nous avons pu évaluer nos besoins en investissements avant de nous lancer sur ce chantier-là qui est une priorité pour l'Etat béninois. Ce dernier nous a beaucoup aidés et les partenaires ont beaucoup investi. Grâce à ces conditions favorables, mais surtout par le choix des projets que nous avons identifiés, nous allons atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement en 2015.
En dix ans d'existence en tant que société publique autonome, vous avez pu maitriser les charges d'exploitation et assurer une grande partie des investissements au point d'acquérir la confiance des investisseurs. Votre exemple de leadership est cité parmi les meilleurs au cours de ce 17ème congrès de l'Association africaine de l'eau ici à Abidjan. Ce qui est rare. Quel est votre secret ?
Le premier secret, c'est les hommes. Vous allez voir qu'à travers toutes les communications au cours du présent congrès, on n'a parlé que des hommes. Vous avez vu que, pour la réforme au Bénin, on est parti d'une seule société qui réunissait l'électricité et l'eau pour aboutir à deux sociétés autonomes, l'une pour l'eau et l'autre pour l'électricité. Il y a donc eu séparation. On s'est entendu pour que les professionnels de l'eau se retrouvent au sein de la Société nationale des eaux du Bénin. Tel est le cas aujourd'hui. A travers les hommes, il y a les compétences et l'efficacité. Voilà les éléments qui ont sérieusement aidé la Soneb à contribuer réellement à l'atteinte des objectifs du millénaire pour le développement. Quand on parle de gouvernance, il y a tous ces éléments. Ce n'est pas que l'aspect financier pour éviter le gaspillage des ressources ou le détournement de fonds. La gouvernance, c'est aussi savoir gérer les ressources humaines en plaçant l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Il faut savoir profiter des compétences, des dynamismes avec tout l'accompagnement qu'il faut. Voilà tous ces éléments, je vous jure, qui permettent, aujourd'hui, à la Société nationale des eaux du Bénin de pouvoir sortir la tête de l'eau.
Parmi les points importants sur lesquels l'Association africaine de l'eau a mis l'accent au cours du présent congrès, il y a la question du leadership à laquelle est d'ailleurs consacrée une session plénière. Qu'est-ce que vous avez pu partager avec vos pairs des sociétésde distribution d'eau des autres pays d'Afrique ?
Nous avons expliqué que la Soneb est une société humble. Nous avons accepté de nous faire coopter par beaucoup de sociétés qui avaient déjà des indicateurs de performances assez avancés, notamment, l'ONEA du Burkina Faso. Nous avons accepté de partager leurs problèmes. Vous savez ! L'avantage de notre association (Ndlr : Association africaine de l'eau-AAE) est que toutes les sociétés de distribution d'eau sont les mêmes. Les sociétés d'eau ont les mêmes problèmes. Il y a déjà des gens qui ont des solutions aux problèmes que vous avez. On s'entraide et vous vous inspirez de ce qu'ils ont fait pour l'adapter à vos réalités. Nous avons su faire cela avec le soutien et l'engagement de tous les travailleurs de la Soneb. Ces derniers ont accepté les plans que nous avons proposés et nous avons su donner de la valeur à chacune de leurs compétences. Ils se sont sentis intégrés. C'est le résultat qui est là et que vous voyez. C'est ce que nous avons partagé avec nos pairs.
De grands travaux que vous avez engagés sont actuellement en cours à Cotonou et dans les zones péri urbaines. Quelle est la finalité de ces travaux ? Qu'est-ce que cela va changer dans la vie des populations ?
C'est surtout cela la question. Je vous disais tout à l'heure que les projets ont été bien identifiés et bien montés. Ce sont ces investissements qui permettent réellement d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. Vous constatez que le projet de Cotonou est un grand projet. Cotonou avait un déficit d'eau de plus de dix ans en arrière. Avec ce projet, nous aurons plus de déficit d'eau. Cela veut dire que s'il faut cinquante litre d'eau par jour p ar habitant, cela doit être réglé sans difficulté. Et cela sur vingt-cinq ans encore. C'est donc un grand projet alors. C'est d'abord là la clé du succès. C'est un choix fantastique dans la mesure où la population de Cotonou et environs fait presque quarante-cinq pour cent des populations alimentées par la Soneb. Régler donc le problème de Cotonou, c'est régler le problème de 65% des populations. C'est là le secret de la Soneb.
Propos recueillis à Abidjan par A. P. Virgil HOUESSOU (L'Événement Précis/ Bénin), Paule Kadja TRAORE (Walfadjiri/Sénégal) et Salvador GOMES (Agence bissau-guinéenne de presse/Guinée Bissau)
C'est un symposium sur le « Financement pour un développement durable du secteur de l'eau et de l'assainissement » qui a inauguré les travaux du 17ème congrès de l'Association africaine de l'eau. Devant les plus grands bailleurs de fonds et autres partenaires techniques et financiers, le ministre ivoirien des Infrastructures économiques, Patrick Achi a révélé que les problèmes liés à l'eau coûtent largement plus que les contributions financières qu'ils mettent à la disposition des pays africains. «Certes, des milliards sont investis tous les ans pour la gestion dudit secteur, cependant tant que le cout des services alloués aux consommateurs n'est pas revu à la hausse, le gap ne sera jamais comblé », fait-il observer. L'Afrique a besoin de 22 milliards de dollars par an pour atteindre les Omd. C'est donc dire que l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) est fortement tributaire de la disponibilité des ressources financières. L'argent, c'est le nerf de l'accélération du processus. Et l'Afrique fait face à un gap énorme.
Le montant de ce gap est, selon les dernières évaluations, de 22 milliards dollars par an, révèle une source proche du Groupe de la Banque africaine de développement, alors que la capacité annuelle de mobilisation de l'Afrique s'élève seulement à 8 milliards de dollars par an. Face à cette situation, il importe de rechercher d'autres sources de financement. C'est l'objectif de l'organisation du symposium sur le « Financement pour un développement durable du secteur de l'eau et de l'assainissement ». Les différents bailleurs de fonds présents ont essayé de faire le point de leurs apports financiers et de promettre une amélioration de leurs aides tant sur le plan quantitatif que sur la détermination des critères d'octroi de fonds. Mais le ministre ivoirien des infrastructures économiques et catégoriques. Il invite les partenaires techniques et financiers à revoir leurs copies en matière de conditionnalités pour donner plus de chance à la mise en oeuvre des projets dans le secteur de l'eau et de l'assainissement.
A. P. Virgil HOUESSOU, Envoyé spécial à Abidjan
« Les investisseurs islamiques pourraient être sensibles à l'investissement dans le secteur de l'eau et de l'assainissement en Afrique »
Expert financier et spécialiste de la finance islamique, El Hadj Bara Diène est convaincu que les financements des fonds islamiques et des sukuk peuvent aider les pays africains à relever les défis du secteur de l'eau et de l'assainissement. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, il relève les limites de la finance classique, met l'accent sur l'absence d'intérêt et de conditions moins contraignantes au niveau de la finance islamique tout en évoquant comment ces sources novatrices et alternatives pourraient aider à maintenir le cap de réalisation mais aussi permettre de surmonter les contraintes de rareté des financements.
L'Evénement Précis : Qu'est-ce que les financements des fonds islamiques et des Sukuk peuvent apporter au secteur de l'eau et de l'assainissement en Afrique ?
El Hadj Bara Diène : Le secteur de l'eau et de l'assainissement représente un enjeu vital pour l'Afrique. C'est un secteur auquel des investisseurs islamiques pourraient être sensibles non seulement pour les dimensions éthique et responsable de la finance islamique, mais aussi parce que cette dernière constituerait un moyen de diversification de placement. C'est un secteur qui se prête aussi aux financements dits « asset-backed » et « asset-based ». Ce sont des termes qui indiquent des revenus générés par les actifs tangibles sous-jacents et qui serviront à rembourser les investisseurs. L'Afrique a besoin de sources de financement pour répondre à ses besoins d'investissements dans ce secteur. Il faut savoir rechercher ces sources-là. C'est pourquoi, il faut surtout retenir que le pool de liquidité, depuis la crise financière de 2008, se trouve principalement au Moyen Orient où il est soutenu par les revenus du pétrole.
En quoi les fonds islamiques et le Sukuk sont-ils des sources alternatives de financement des infrastructures et diffèrent dans autres financements venus des pays développés ou des autres organismes financiers?
Économiquement, les sukuk et les fonds d'investissements islamiques sont équivalents aux obligations et aux fonds conventionnels, mais ils sont structurés conformément aux préceptes de la charia. Ils sont d'abord liés à l'économie réelle, en ce qu'ils sont adossés à des actifs tangibles. L'intérêt et l'usure, c'es-tà- dire, le riba est prohibé. Ce qui veut dire que l'argent n'est qu'un moyen d'échange. C'est dire que le concept de time value of money n'existe pas. En effet, les revenus générés par l'actif tangible constituent la source unique de remboursement des investisseurs. C'est l'«asset backed securities ». D'autres principes différencient ces instruments de ceux de la finance conventionnelle comme le partage des profits et des pertes entre les différents protagonistes et l'interdiction de la spéculation. C'est pour ces raisons que les instruments de la finance islamique ont fait preuve de résilience lors de la crise financière de 2008 et qu'ils sont actuellement sursouscrits.
Quels sont les avantages de ces fonds islamiques et des Sukuk pour l'Afrique et quelle est aujourd'hui la part des pays africains dans la répartition de ces fonds ?
La finance islamique peut constituer une source supplémentaire de financement d'infrastructures en Afrique et elle est parfaitement adaptée à ces classes d'actifs comme les biens immobiliers, les infrastructures routières, les barrages hydro-électriques et autres. Certains pays de l'Afrique ont montré un grand intérêt pour la finance islamique. C'est le cas de la Gambie, du Soudan et du Nigéria qui ont émis des sukuk en 2013. Le Sénégal, l'Afrique du Sud, le Kenya et le Maroc devraient émettre des sukuk avant la fin de l'année 2014. Il y a aussi la Tunisie et l'Egypte qui ont déclaré leur intention d'exploiter le marché des sukuk et, pour cette raison, ils ont adopté des lois relatives à la finance islamique.
Quels sont les organismes qui s'occupent des fonds islamiques et des sukuk?
Les sukuk et les fonds islamiques sont soumis aux lois nationales des émetteurs. En principe, le législateur se réfère, pour adopter des lois relatives à la finance islamique, aux normes édictées par des infrastructures dédiées à la finance islamique comme l'AAOIFI qu'on définit en anglais comme The Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions et aussi l'IIFM, c'est-à-dire The International Islamic Financial Market (Ndlr : cf. les normes charia, de comptabilité...et les instruments de couverture des risques). Nous avons d'ailleurs participer, en tant que membre de la Commission Finance Islamique de Paris EUROPLACE, à la traduction des normes charia de l'AAOIFI, à la structuration de deux schémas d'émission de sukuk, à la rédaction de quatre instructions fiscales relatives à la murabaha, aux sukuk d'investissements, à l'ijara et à l'istisna, etc. Nous avons également participé à la certification de produits d'assurance-vie charia-compatibles en tant que Responsable du Pôle Financier du Comité Indépendant de la Finance Islamique en Europe (CIFIE). Aujourd'hui, la CIFIA qui est la Compagnie Indépendante de la Finance Islamique en Afrique, en partenariat avec des bailleurs de fonds, accompagne des organismes regroupant plusieurs États ainsi que des sociétés évoluant dans le domaine de l'eau et de l'assainissement dans des projets de mise en place de fonds islamiques et de sukuk en prenant en charge toutes les étapes de vie de ces produits, de l'étude de faisabilité à l'investissement en passant par la structuration et la levée de fonds.
Propos recueillis à Abidjan par A. P. Virgil HOUESSOU (L'événement précis/Bénin) et Paule Kadja TRAORE (Walfadjiri/Sénégal).
ABIDJAN (Côte d’Ivoire), 16 Rabi'ul Al-Thani/16 fév.(IINA) – Le 17ème congrès de l'Association africaine de l'eau ( Glossary Link AAE) se tient de lundi à jeudi à Abidjan, autour de la "Mobilisation des ressources et gouvernance de l'eau et de l'assainissement en Afrique".
Un millier de professionnels est attendu à ces assises qui se tiennent pour la première fois en Côte d'Ivoire, pour plancher sur des questions liées aux ressources nécessaires pour financer les besoins en infrastructures, en vue d'une plus grande accessibilité des populations africaines à l'eau potable. Née sur les cendres de l'Union africaine des distributeurs d'eau (UADE), l' Glossary Link AAE a pour objectif principal de développer les capacités professionnelles de ses membres, afin de réaliser sa vision d'un accès à l'eau potable pour tous les Africains. C’est une association professionnelle d'organisations, d'entreprises et d'opérateurs exerçant dans le secteur de l'eau, de l'assainissement et de l'environnement en Afrique. Son secrétaire général est l’Ivoirien Sylvain Usher.
CM/AH/IINA
La capitale économique ivoirienne abrite depuis deux jours, les assises du 17ème Congrès de l’Association africaine de l’eau ( Glossary Link Aae). Les travaux de ce grand forum panafricain des professionnels de l’eau potable et de l’assainissement ont été officiellement lancés dans la matinée d’hier lundi 17 février 2014 au Palais des Congrès d’Abidjan par le 1er ministre de la République ivoirienne, Daniel K. Duncan. 23 ans après avoir organisé en 1990 le 5ème Congrès de l’Association africaine ( Glossary Link Aae), la Côte d’Ivoire abrite de nouveau depuis hier les assises de l’association professionnelle des organismes, entreprises et acteurs de l’eau potable, de l’assainissement et de l’environnement en Afrique.
En effet, après le 16ème Congrès à Marrakech au Maroc en 2012, le 17ème Congrès de l’Aae s’est effectivement ouvert sous la présidence du Premier ministre ivoirien et en présence de plusieurs ministres africains de l’eau, de l’urbanisme et de l’environnement. Les assises se tiennent autour du thème de la « mobilisation des ressources et Gouvernance de l’Eau et de l’assainissement en Afrique » et connaissent la participation de délégations de plus d’une quarantaine de pays, composées des patrons de sociétés de gestion d’eau potable, des acteurs de la production et de la distribution de l’eau et de l’assainissement, des universitaires, des présidents d’organismes ou d’entreprises africains et internationales intervenant dans le domaine de l’eau et de l’assainissement et des Partenaires Techniques et Financiers. Ainsi, au Sofitel Hôtel de la Capitale économique ivoirienne, quatre jours durant, c’est 1200 professionnels de l’eau potable, de l’assainissement et de l’environnement qui réfléchiront sur des questions liées aux ressources nécessaires pour « financer les besoins en infrastructures en vue d’une plus grande accessibilité des populations africaines à l’eau. Les congressistes se pencheront aussi sur la problématique de l’état des ressources hydrauliques disponibles et les possibilités d’optimisation de leur exploitation. A Abidjan, ils dresseront un bilan des investissements dans le secteur de l’eau et détermineront des perspectives en matière de mobilisation et de réorientation des ressources ; surtout ils mettront l’accent sur le développement du leadership pour améliorer la gouvernance dans le secteur de l’eau et n’oublieront pas de débattre de la problématique majeure liée à l’assainissement en Afrique, maillon faible de la chaine de production de l’eau. Sur ce dernier point, il s’agira de trouver des réponses adéquates aux besoins de traitement de l’eau consommée ou usée dans les villes africaines dont le développement est de plus en plus rapide. La Présidente de l’Aae, Duduzile Myeniau a, à l’ouverture, a invité avec insistance les Etats et les partenaires à soutenir les efforts et les investissements dans le domaine de l’eau potable, parce que selon elle, l’eau et l’assainissement restent les leviers du développement. Le 1er Ministre ivoirien, en lançant les travaux, a salué la coopération sud-sud que représente l’Aae. C’est, dira-t-il, l’une des meilleures plateformes de recherche, et de mutualisation des solutions aux problématiques complexes de l’eau et un outil d’action pour les Etats africains afin que l’accès à l’eau pour tous et à un environnement sain soit une réalité pour la pleine valorisation du potentiel humain des populations, notamment des femmes et des jeunes filles.
Le Bénin présente aux premières loges
Le drapeau béninois flotte aux premières loges sur l’esplanade du Sofitel hôtel d’Abidjan à l’occasion du 17ème Congrès de l’Aae. En effet, aux assises de la capitale ivoirienne, le Bénin est dignement représenté par une forte délégation de la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb) conduite par son Directeur général, David Babalola. A travers la Soneb qui fait partie des membres du Comité de Direction de l’Aae, notre pays prend une part active aux échanges et aux recherches de solutions sur les défis et enjeux de l’eau. Et d’ailleurs, sur ce plan, l’expertise et le modèle du Bénin en matière de gestion des financements et de management du service public de l’eau sont reconnus et salués par l’Aae. C’est ce qui explique que plusieurs cadres de la Soneb ont eu le privilège d’être invités à présider à Abidjan, plusieurs sessions techniques de l’Association. Par ailleurs, le premier responsable de la Soneb présentera à ses pairs, une communication axée sur l’exemple de la Soneb, en tant qu’ « operateur crédible en matière de gestion du service public de l’eau. »
A.B (Le Matinal)
« Le leadership, c’est l’intelligence des dirigeants d’entreprise d’eau à freiner l’ingérence négative du politique »
Invité en tant qu’expert au 17ème Congrès de l’Association africaine de l’eau ( Glossary Link AAE), Mamadou Dia, avec plus de trente ans de management dans la distribution de l’eau au Sénégal, est intervenu dans plusieurs panels pour partager ses expériences. Nous l’avons abordé juste après son exposé sur la problématique du leadership dans ce secteur. Sans détour et sans tabou, il parle de la question et des insuffisances dans la gestion des sociétés de distribution d’eau en Afrique.
L’Evénement Précis: Quelles sont les problématiques de leadership auxquelles fait face l’Association africaine de l’eau ?
Mamadou Dia:
Vous savez, les entreprises de distribution d’eau ou d’assainissement sont de niveaux extrêmement différents. Certaines font face à des difficultés de ressources. D’autres ont des problèmes de gouvernance. Mais, il y en a qui ont des difficultés relatives à une absence de leadership, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de définitions claires ou de visions claires et stratégiques de ce qu’il faut faire dans l’entreprise. Ce qu’on tente aujourd’hui au niveau de l’association et qui justifie la session plénière sur le leadership, c’est de mobiliser les entreprises autour de contrats de performances ; qu’est-ce que le client attend d’une société d’eau ? Que la société soit publique ou privée, les clients s’attendent à recevoir une eau de qualité en quantité et au tarif abordable, donc acceptable. Et c’est sur cela que le leadership doit s’exercer, c’est-à-dire la capacité à faire travailler les autres, la capacité à avoir une vision stratégique, la capacité à former des collaborateurs afin qu’il y ait une adhésion aux objectifs de l’entreprise. Je crois que c’est tout cet ensemble qui devrait conduire à des performances de l’entreprise qui réponde aux attentes des clients. En réalité, le client, aujourd’hui, c’est lui qui doit être au cœur des préoccupations des entreprises d’eau et d’assainissement. Il faut donc l’écouter et savoir exploiter ses réclamations, ses récriminations, ses attentes exprimées et non exprimées afin de le satisfaire. Donc, on voit qu’il y a plusieurs relais, plusieurs niveaux, mais le leadership doit se bâtir davantage encore en Afrique. Il doit se bâtir autour de la bonne gouvernance, autour des valeurs, des attitudes, des comportements des uns et des autres dans une entreprise.
Vous avez dit, hier, au symposium qu’il y a, en Afrique, un problème de planification des ressources en eau et des projets d’assainissement. Est-ce à dire que le leadership africain a échoué dans le secteur de la distribution d’eau et du management des projets ou initiatives liées à l’assainissement ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un échec. Il s’agit de problèmes de financement. Un financement qui doit se baser sur la planification. Parfois, elle n’est pas réaliste. On est souvent du genre optimiste en disant ‘’je vais réaliser tel projet dans un an ou dans deux ans sans avoir résolu, au préalable, l’ensemble des éléments ou des facteurs clés de succès de la mise en œuvre de ce projet. La recherche de financement, les études techniques, les appels d’offre, le choix des entreprises, les contraintes qu’on rencontre dans les procédures de passation des marchés. Il y a donc un certain nombre de contraintes dont doit tenir compte la planification et qu’elle ignore. Qu’est-ce qui me fait dire cela ? Souvent les entreprises africaines courent derrière la résolution des problèmes de déficit en eau, des résolutions des problèmes d’extension des réseaux d’assainissement. Il faut analyser les causes et chercher ce qui est à l’origine des choses. Et pour moi, il y a un problème de financement, un problème de planification et aussi un problème de manque d’anticipation dans ce que l’on fait pour pouvoir être toujours au niveau de la demande des populations.
Qu’est-ce qu’il faut faire ?
Je crois que nous devons être assez pragmatiques dans ce que nous réalisons. Quand on initie un projet, il faut disposer, au préalable, d’un plan directeur, lancer des études complètes et ensuite tenir compte du temps moyen que met un bailleur de fonds pour pouvoir mettre à votre disposition des financements. Il faut regarder aussi les goulots d’étranglement qui sont générés par les contraintes des marchés publics. En fonction de tout cela, se donner une date réaliste
de mise en œuvre du projet ; une date qui peut chevaucher entre la période où on arrive à la fin d’un cycle de projets et le début de la mise en œuvre d’un autre cycle de projets. C’est cette jonction qu’il faut étudier. Cela demandera donc des analyses, des études, des comportements et une volonté politique à appuyer les sociétés.
Parlant justement de volonté politique, est-ce que l’ingérence des hommes politiques ou des pouvoirs politiques dans la gestion des sociétés publiques de distribution, ne constitue pas un handicap pour le leadership dont vous parlez ici à ce congrès ?
Moi, je ne veux pas parler d’ingérence. Je pense que quand on parle de leadership, c’est l’intelligence de tirer profit de l’ingérence politique et de pouvoir aussi, de façon diplomatique, freiner l’ingérence négative du politique. Cela me paraît excessivement important. Un facteur clé de succès dans les réformes, dans la conduite des entreprises, c’est la capacité des dirigeants d’entreprise à mener un dialogue avec les décideurs institutionnels partout où ils se trouvent. C’est cela qui permet de trouver les bonnes solutions. Je prends l’exemple du Sénégal, le succès de la réforme a été le résultat de la capacité des différentes parties impliquées à dialoguer.
Propos recueillis à Abidjan par A. P. Virgil HOUESSOU (L’événement précis/Bénin), Paule Kadja TRAORE (Walfadjiri/Sénégal) et Salvador GOMES (Agence bissau-guinéenne de presse/Guinée-Bissau)
L’Afrique, l’eau et la gestion du service public de l’eau potable en période de guerre
A travers cette titraille, se résument deux livres écrits par des acteurs de l’eau. Ce sont des ingénieurs, des managers de société de distribution d’eau, etc. Ils sont pour la plupart des Africains, mais ils ont reçu le soutien de certains de leurs pairs européens. C’est un renouveau dans le secteur de l’eau. Peut –être aussi une chance pour les générations futures d’avoir des points de repère à travers ce début foisonnant de la littérature sur l’eau. Pour la première fois, l’Association africaine de l’eau rend hommage à ses écrivains. Plus de cinq ouvrages ont révélés au public à l’occasion du congrès d’Abidjan. Nous vous présentons ici les deux livres écrits par des auteurs francophones.
Le premier livre s’intitule « Le service public de l’eau potable en période de guerre ». C’est le cas de la Côte d’Ivoire qu’expose l’auteur, Descord Venance Yoboué. De nationalité ivoirienne, il est l’actuel directeur de l’exploitation intérieur à la Société de distribution de l’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci). Au cœur de la stratégie de distribution de l’eau pendant la guerre, il parle de ses expériences de distribution de l’eau pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire. Il fait un témoignage sur le type de management et l’audace mis en œuvre pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire pour assurer la distribution de l’eau potable aux populations des zones dites CNO. Ce sont les zones occupées par les rebelles des Forces nouvelles. C’est le préfacier qui résume l’ampleur de la situation. « Habituellement, les crises de la nature de celle qui a affecté notre pays (Ndlr : la Côte d’Ivoire), une décennie durant, entravent le bon fonctionnement des services publics et plus particulièrement ceux de l’eau potable et de l’électricité. Il s’en suit, dans la plupart des cas, une série de fléaux telles (sic) que les maladies hydriques, qui en entraînent bien d’autres, où des ruptures profondes et durables dans l’organisation de la vie économique et sociale du pays. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, les choses se sont passées autrement, heureusement. Mais peu de gens savent à quelles conditions et dans quelles circonstances la Côte d’Ivoire a pu échapper à ces catastrophes humaines ». C’est la révélation au public de ces conditions et de ces circonstances qui justifie le contenu de ce livre. Comment réussir à constituer une force neutre au milieu de deux camps armés ? Comment réussir à convaincre les forces en conflit à éviter d’utiliser la distribution de l’eau comme arme de combat ? Comment aider des groupes armés à considérer l’eau comme source de vie, s’exclure du système de distribution pour les laisser travailler les techniciens ? Dans quelles conditions travaillaient les agents de la Sodeci ? Comment réussissaient-ils à convaincre les rebelles les accepter pour fournir de l’eau aux populations de la zone sous contrôle des Forces nouvelles ? Voilà autant de questions dont les réponses se retrouvent dans les cent trente-huit (138) pages qui constituent le livre.
Dexcord Venance Yoboué fait ce témoignage et explique la stratégie. Il explique à chacun que l’eau n’a pas d’ennemi et est indispensable à la survie de tous. Il soulève, à travers ses écrits sur la gestion, pendant les conflits armés, de la denrée vitale qu’est l’eau potable, les problèmes importants liés au droit humanitaire international, la lutte contre la pauvreté et les efforts pour atteindre les Omd. Cette conviction de l’auteur retient d’ailleurs l’attention du lecteur à la page couverture. Dans la caricature illustrative, on découvre, en train de se désaltérer autour d’un unique point d’eau, un soldat armé, amulettes aux bras, face à une femme avec un bébé au dos. D’un côté le puissant avec son arme capable de tuer des dizaines voire des milliers de gens ; de l’autre côté une femme et un enfant, habituellement, les premières victimes des conflits armés, donc les plus faibles. Et voilà le faible et le fort, autour d’une même et unique source pour assouvir leur soif, pour survivre ! Les deux font recours à l’eau et au même endroit. Pourquoi donc se battre et empêcher la distribution de l’eau ? Photos à l’appui, l’auteur raconte les missions dans la zone rebelle, les conciliables, les visites aux com’zones, les travaux de réfection, etc. Subdivisé en dix parties, le livre informe sur la configuration de l’exploitation de l’eau potable par la Sodeci avant la crise et pendant la guerre à partir du 19 septembre 2002. On y découvre les actions des comités de crise et des comités techniques mis en place pour répondre aux besoins des populations. Le lecteur prend également connaissance du système de communication mis en œuvre à Abidjan et en zones occupées à partir d’initiatives personnelles de l’auteur et de l’implication des responsables de la Sodeci pour rencontrer et discuter avec les chefs de guerre et la société civile. La gestion technique de l’exploitation pendant la crise, les résultats obtenus et l’impact financier de la crise sur l’activité commerciale liée à la distribution de l’eau ne sont pas occultées. C’est un livre qui a pour objectif, explique l’auteur lors de la présentation du livre, à la faveur du 17ème congrès de l’Association africaine de l’eau, de donner aux autres pays africains les outils d’une gestion de la distribution de l’eau potable en cas de crise ou de guerre.
L’eau en Afrique dans ses détails
« L’Afrique et l’eau » est aussi le titre d’un autre livre. Outre la publication de Descord Venance Yoboué, la rencontre d’Abidjan a permis aux participants de découvrir la littérature foisonnante sur l’eau. C’est un ouvrage édité par l’Association africaine de l’eau ( Glossary Link AAE), elle-même. Sous la direction de l’expert français, Claude Jamati, une vingtaine d’acteurs du secteur de l’eau ont écrit des articles sur différents aspects de l’eau. A travers 370 pages, toute l’Afrique est exposée dans les méandres les plus cachés de la problématique de l’eau. Parmi ces co-auteurs, il y les Béninois Félix Adégnika du WSSCC et du partenariat pour le développement municipal et David Babalola, actuel Directeur Général de la Soneb. Le premier propose à travers son texte une méthodologie et des outils de gestion pour accompagner les villes secondaires dans la définition d’une stratégie municipale concertée pour répondre aux besoins importants en eau des populations. C’est un sujet d’un intérêt particulier et d’actualité qu’aborde Félix Adégnika. Dans sa publication N°2771 du 16 au 22 février 2014, l’hebdomadaire panafricain, Jeune Afrique titre « Distribution de l’eau et Glossary Link assainissement : les villes boivent la tasse ». Julien Clémençot, l’auteur de l’article écrit « Face à une population urbaine qui ne cesse de croître, les pays du continent peinent à satisfaire les besoins en eau de leurs populations, fautes de d’investissements publics suffisants. Certaines agglomérations tirent néanmoins leur épingle du jeu grâce à l’appui des partenaires privés ». Et Julien Clémençot de déduire, au regard de cette situation complexe, le risque existe que l’Afrique soit, en ce 21ème siècle, le théâtre des guerres de l’eau, des guerres incontrôlables issues des insurrections populaires des villes en manque d’eau. Les statistiques prévoient un accroissement spectaculaire des populations africaines urbaines dans les prochaines années. Félix Adégnika, en intelligence avec Christophe Le Jallé du programme Solidarité Eau et Claude Baehrel, définit dans l’ouvrage, comment développer des solutions pour l’accès à l’eau et à l’ Glossary Link assainissement dans les villes secondaires en tant qu’enjeu majeur. Dans ce chapitre, il est question de la contribution au défi des Omd, des réponses aux besoins des quartiers urbains sous-équipés, de la dynamique de la Glossary Link décentralisation, de la participation des populations et des acteurs intervenant dans les services d’eau et d’assainissement et de l’élaboration de stratégies municipales concertées.
David Babalola, quant à lui, « explique avec précision la situation hydrique et pose, dans une analyse sans concessions, les problèmes auxquels sont confrontées les populations non seulement africaines, mais aussi mondiales. Il envisage les comportements à tenir dans les années à venir. » David Babalola ne manque pas de décrire dans son texte le cas béninois pour expliquer pourquoi le Bénin sera en 2015 « vraisemblablement un des pays à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement » dans le secteur de l’eau potable. Outre ces deux experts béninois, il y a aussi la présidente de l’Association africaine de l’eau, la Sud-Africaine Duduzile Myeni, et l’actuel Secrétaire général de l’ Glossary Link AAE, l’Ivoirien Sylvain Usher, sont également sur la liste des co-auteurs. C’est un livre qui se décline en deux parties : la problématique de l’eau en Afrique et la monographie de l’eau pour chaque pays. Dans son introduction, Claude Jamati, explique les raisons ayant fondé le choix de l’AAE d’éditer un ouvrage sur l’Afrique et l’eau. Il écrit : « L’Afrique est trop souvent l’objet d’une couverture médiatique réductrice : conflits, instabilité politique, mauvaise gouvernance, corruption, déforestation, désertification…Or il existe, sur ce continent frère, une richesse humaine, soif d’innovation et de progrès, des compétences et des motivations absolument exceptionnelles ». Pour lui donc ce livre leur « offre l’opportunité de relater leurs expériences », déclare-t-il lors de la présentation du livre en marge du 17ème congrès de l’AAE. Et les différents co-auteurs n’ont pas raté le coche. C’est un livre référence pour tous les acteurs du secteur de l’eau du contient. Sa grande originalité, écrit l’éditeur, « est d’avoir donné la parole aux Africains, sans lesquels aucune évolution positive ne peut être envisagée ». La plupart des experts ayant contribué à l’ouvrage ont dirigé l’Association africaine de l’eau. C’est un document qui maintient la flamme de l’espoir, car « tous les contributeurs, à travers leurs témoignages, montrent qu’il est possible, en Afrique, d’éviter la pénurie d’eau », poursuit l’éditeur.;
Le rendez-vous d’Abidjan a donné l’occasion aux congressistes et autres acteurs que les Africains commencent par occuper l’espace de la littérature sur l’eau avec une variété de thèmes abordés. En dehors de ces ouvrages écrits en français, trois auteurs anglophones ont également présenté aussi au public leurs chefs d’œuvre. Parmi eux, il y a l’Ougandais William T. Muhairwe, dirigeant de la National Water and Sewerage Corporation de l’Ouganda. Il a écrit sur la problématique de la gestion des entreprises d’eau et d’assainissement.
A. P. Virgil HOUESSOU